Les troubles de la conduction peuvent se trouver à tous les étages des voies de conduction.
Leurs modalités d’expression sont variables: blocs complets ou incomplets, permanents ou transitoires, parfois alternants.
Les blocs ralentissent ou interrompent totalement la conduction mais certaines anomalies l’accélèrent (faisceau de Kent). Ces faisceaux de conduction accessoires sont relativement rares.
On distingue:
– le bloc sino-atrial (BSA): l’influx ne se propage pas aux atriums.
– le bloc inter-atrial (BIA): le bloc se situe entre les deux oreillettes.
– le bloc atrio-ventriculaire (BAV): le bloc siège au niveau du nœud AV.
– le bloc focal: le bloc est intra-ventriculaire
– les blocs de branche (droite ou gauche: BBD, BBG): le bloc se situe au delà de la bifurcation du faisceau de His. Parfois, une hémibranche.
Le bloc sino-atrial (BSA)
– bloc SA du 1er degré: C’est un ralentissement de la propagation de l’influx entre le nœud sinusal et les oreillettes. Il n’a pas de traduction électrocardiographique et ne peut donc pas être diagnostiqué à partir d’un ECG chez le chien et le chat. Chez l’ homme, on peut le suspecter si l’intervalle PP augmente légèrement et momentanément après une extrasystole atriale. Chez le chien, l’arythmie respiratoire rend impossible l’évaluation de l’augmentation de l’intervalle PP.
– bloc SA du 2e degré: Certaines impulsions ne sortent pas du nœud sinusal. Il y a autant d’ondes P que de QRS. Le rythme cardiaque montre de temps à autre, l’absence d’ une séquence PQRST.
Il existe 2 types de bloc du 2e degré:
– type 1: La fréquence cardiaque des cycles qui précèdent la pause croît ou décroît; elle reprend ensuite son incrément progressif jusqu’à la pause suivante.
Contrairement aux pauses sinusales qui ont une durée quelconque, la pause du bloc sino-atrial du 2e degré de type 1 est toujours inférieure à celle de l’intervalle sinusal.
La fréquence cardiaque chez le chien étant rendue irrégulière par l’arythmie respiratoire rend le diagnostic délicat.
– type 2: Les pauses ont une longueur fixe, toujours égale à un multiple de l’intervalle RR de base (bloc 2:1 , 3:1). Ils sont de diagnostic difficile car rien ne les distingue d’une bradycardie sinusale.
– bloc SA du 3e degré: L’influx sinusal est bloqué de manière prolongée ou permanente. Le tracé ECG ne montre généralement pas d’ ondes P ou des ondes P rétrogrades; cependant quelques complexes sinusaux peuvent apparaitre. La fréquence cardiaque est basse. Le rythme est celui d’un échappement jonctionnel (QRS fins).
Les autres causes d’échappement jonctionnel:
– blocs auriculo-ventriculaires du 3e degré: Les ondes P sont dissociées des QRS (larges). Le BAV3 peut se traduire par un rythme d’échappement ventriculaire lent ou accéléré (RIVA) ou encore, par un rythme jonctionnel.
– paralysies de l’atrium: C’est l’absence de dépolarisation du nœud sinusal. Les ondes P quand elles existent sont rétrogrades. L’ étiologie la plus fréquente est l’ hyperkaliémie (bradycardie avec onde T ample et symétrique) à l’origine d’une dysfonction sinusale.
Cette dysfonction sinusale est aussi favorisée par certains médicaments: bêta-bloquants, inhibiteurs calciques (de type benzothiazépine) , digoxine et amiodarone.
Le bloc inter-atrial (BIA)
C’est un trouble qui touche la conduction entre les oreillettes.
La dépolarisation de l’oreillette gauche est en retard par rapport à celle de l’oreillette droite.
Cela se traduit sur l’ECG par un allongement de la durée de l’onde P. Celle-ci prend un aspect bifide simulant une hypertrophie atriale gauche à laquelle le BIA peut être associé.
Les BIA sont rares mais non exceptionnels chez le chien. Seule une échocardiographie montrant un atrium gauche non dilaté permet d’affirmer l’existence d’un BIA si la durée de l’onde P est augmentée.
Lorsque le bloc est complet, la partie terminale de l’onde P est négative car l’atrium gauche est alors dépolarisé de manière rétrograde.
Les blocs atrio-ventriculaires (BAV).
Ce sont des troubles qui affectent la conduction entre les oreillettes et les ventricules.
Le siège du bloc peut se situer au niveau du nœud AV, dans le tronc du faisceau de His et/ou dans ses deux branches.
L’expression des BAV peut aller du banal allongement de l’intervalle PR (sans répercussion clinique) jusqu’au blocage complet de toutes les ondes P.
Un BAV peut être fonctionnel, c’est à dire lié à la fréquence atriale et donc transitoire: des fibres non sorties complètement de leur période réfractaire bloquent l’ influx sinusal. Il peut aussi être lésionnel et, dans ce cas, généralement irréversible.
Le BAV du 1er degré: Toutes les impulsions atriales parviennent aux ventricules mais avec un certain retard. S’il n’est pas associé à un autre bloc (par exemple bloc de branche gauche), le BAV1 est bien toléré.
Le BAV du 2e degré: Certaines ondes P ne sont pas suivies de QRS.
Il y en a de deux types:
– Le BAV2 de type1 (Möbitz 1 ou Wenckebach): Il est caractérisé par un allongement progressif de PR jusqu’au blocage d’une onde P. L’incrément est maximal entre le 1er et le 2e complexe conduit. Si, par exemple, c’est la 5e onde P qui est bloquée, on parle de conduction 5:4). La pause incluant l’onde P bloquée est inférieure au double de l’intervalle PP de base. Ce genre de bloc intranodal est stable.
– Le BAV de type 2 (Möbitz 2): L’intervalle PR est constant. Le tracé montre au moins 2 ondes P consécutives conduites avant le blocage. Les QRS sont fins si le bloc est situé dans le tronc du faisceau de His, larges si le bloc est distal. La pause due à l’onde P bloquée est égale au double du cycle de base. Son diagnostic est difficile chez le chien en raison de l’ arythmie respiratoire. Ce bloc est généralement situé dans le tronc du faisceau de His (infranodal). Lorsqu’il est permanent il peut évoluer rapidement vers un BAV3. Lorsque plusieurs ondes P successives sont bloquées la dénomination du bloc est alors BAV2 de haut grade.
– Le BAV2 de haut grade: Plusieurs ondes P successives sont bloquées mais certaines ondes P sont conduites ce qui le distingue d’un BAV3. La conduction se fait sur un mode 3/1, 4/1 ou davantage. Une pause d’une durée supérieure à 3 secondes ou une fibrillation atriale avec une fréquence ventriculaire très lente sont aussi considérées comme des BAV2 de haut grade.
Le BAV du 3e degré: Aucune onde P n’est conduite. Il y a une dissociation atrio-ventriculaire complète et permanente. Si le siège du bloc se situe au dessus de la bifurcation du faisceau de His, les QRS sont peu élargis. Ceux-ci s’élargissent si le bloc est distal. C’est un pacemaker jonctionnel ou ventriculaire (selon le siège du BAV) qui prend le relais pour assurer la survie. Plus le pacemaker de secours est distal, plus la fréquence est lente et le QRS large.
Ci-dessous, 2 exemples de BAV3 dont la tolérance hémodynamique est très différente:
Le bloc focal:
C’est un bloc situé dans la paroi musculaire des ventricules.
Il est difficile à distinguer d’un bloc de branche gauche et se traduit par des QRS larges et souvent crochetés ou fragmentés sur plusieurs dérivations.
Il accompagne, entre autre, les zones de fibrose de la dysplasie arythmogène du ventricule droit.
Les blocs de branche (BB):
C’est un trouble de la conduction localisé dans les branches du faisceau de His.
La branche gauche du faisceau de His se subdivise en une hémibranche antérieure et une hémibranche postérieure.
Ces hémibranches peuvent être le siège de blocs (BFAG: bloc fasciculaire antérieur gauche et BFPG: bloc fasciculaire postérieur gauche, anciennement appelés HBAG: hémibloc antérieur gauche et hémibloc postérieur gauche: HBPG).
Un bloc de branche peut être incomplet et seulement ralentir la conduction de l’influx supraventriculaire ou complet et interrompre totalement cet influx.
Le bloc de branche peut être lésionnel ou fonctionnel (aberration ventriculaire).
Lors de bloc complet, le ventricule homolatéral est dépolarisé par l’autre ventricule (controlatéral).
Les BB complets entrainent un asynchronisme de dépolarisation des 2 ventricules.
Un BB peut exceptionnellement toucher les deux branches simultanément.
Le bloc de branche droit (BBD)
Les QRS sont larges (> 60 ms), et négatifs en D2. Il existe une onde S large en D1. Les ondes T sont inversées par rapport aux QRS. Dans le bloc de branche droit typique, l’axe des QRS est dévié à droite et l’onde R est élargie en D3.
En cas de déviation axiale gauche, il faut suspecter une hypertrophie ventriculaire gauche associée à un bloc de branche droit.
Lors de bloc de branche droit incomplet les critères sont les mêmes mais l’élargissement du QRS est moins marqué.
Les blocs de branche gauche (BBG)
Les QRS sont larges (> 60 ms) et positifs en D2. L’onde R est large et parfois crochetée en D1 et AVL (Il n’y a pas de crochetage de l’onde R dans les hypertrophies ventriculaires gauches). Il n’y a pas d’onde Q en D1 et les ondes T sont inversées par rapport aux QRS. L’axe de QRS est normal ou dévié à gauche.
Le bloc fasciculaire antérieur gauche (anciennement appelé hémibloc antérieur gauche): La durée de QRS est peu augmentée et l’axe des QRS est hypergauche (D1 positif, D2 et AVF négatifs) L’ amplitude des QRS en AVL est souvent supérieure à celle des QRS en D1 (RVL > RV1).
Il peut coexister avec un BBD.
Le bloc fasciculaire postérieur gauche (anciennement appelé hémibloc postérieur gauche) est un bloc très rare. L’axe des QRS est dévié à droite (D1 négatif et AVF positif).
Rythme d’ échappement ventriculaire
Un échappement ventriculaire est une contraction unique et tardive, née dans le réseau de Purkinje, qui survient lors de fréquence cardiaque basse (40 bpm) à la suite d’une défaillance de l’automaticité supraventriculaire ou d’un trouble de la conduction.
La morphologie du QRS est celle d’une ESV: QRS large avec une onde T ample et inversée par rapport au QRS (d’autant plus large que le foyer est situé bas).
Parfois les échappements surviennent lors de fréquences cardiaques plus rapides, il s’agit alors d’échappement ventriculaire précoce encore appelé ESV tardive qui témoigne d’une hyperexcitabilité ventriculaire latente.
Lorsqu’il existe une parlaysie sinusale ou bloc AV complet, le rythme de secours qui se met en place est un rythme d’échappement nodal ou ventriculaire.
Sick Sinus Syndrome
(maladie rythmique de l’oreillette)
C’est un trouble mixte de la conduction et de l’excitabilité qui touche l’ensemble du tissu nodal.
Il est dû à la dégénérescence des voies de conduction auriculaire et des cellules automatiques du nœud sinusal.
Après des arrêts sinusaux intermittents surviennent d’une part, des échappements souvent jonctionnels mais parfois atriaux ou ventriculaires et d’autre part, des accès de tachycardie supraventriculaire (y compris fibrillation atriale lente).
L’ ECG est caractérisé par une alternance bradycardie-tachycardie qui fait suite à un arrêt sinusal plus ou moins marqué. Un BAV du 1er degré est généralement présent.
Ce syndrome touchesurtout les chiennes de petit format: schnauzer nain, yorkshire, et pinscher.
Dissociation isorythmique
Il s’agit de la coexistence de deux rythmes de fréquences proches: l’un atrial, l’autre jonctionnel ou ventriculaire, sans bloc AV complet.
Les deux rythmes sont activés de manière indépendante.
Cette situation se rencontre lors de bradycardie sinusale où le rythme sinusal entre en compétition avec un rythme d’échappement jonctionnel ou ventriculaire.
Il existe une autre forme de dissociation isorythmique, c’est celle que l’on rencontre dans les BAV3 ou certaines tachycardies ventriculaires.
Lors de BAV3, un rythme idioventriculaire accéléré (RIVA) peut remplacer le rythme d’échappement ventriculaire lent.